Françaises, Français de Métropole et d’Outre-mer, Je vous souhaite une bonne année et je souhaite, en votre nom, bonne année à la France! Seule l’Histoire pourra dire, avec le recul du temps, la trace laissée par l’année qui s’achève ; mais, chacun sait déjà que 1981 aura été l’année du changement que la France a voulu et que son peuple, le 10 mai, m’a chargé de conduire, avec le concours du Gouvernement de la République et de l’Assemblée Nationale issue des dernières élections. Je vous avais promis d’entreprendre aussitôt les réformes qui permettraient ce changement. Nous l’avons fait. Le Gouvernement a proposé, et le Parlement a voté les nationalisations dont le pays avait besoin pour mener à bien sa politique économique. Je vous avais promis de réduire la domination de l’État sur les individus, sur les collectivités locales, communes, départements, régions. Dans le respect de l’unité de la Nation, vous disposerez du pouvoir et du droit à la différence, à la responsabilité, vous gérerez plus largement vos propres affaires et vous ne verrez plus l’administration régenter de Paris votre vie quotidienne. J’avais promis aux plus pauvres et aux plus démunis d’entre vous le moyen de vivre un peu mieux, tout en relançant la consommation populaire, si nécessaire à la croissance de notre économie. Nous l’avons fait, en attendant de pouvoir le faire davantage. L’augmentation des bas salaires, du minimum-vieillesse, des allocations pour les handicapés, de l’allocation logement, des allocations familiales, les aides apportées aux petits et moyens exploitants agricoles accablés pendant huit années successives par la baisse de leur pouvoir d’achat, les mesures de rattrapage prises pour certaines catégories comme les anciens-combattants ou les rapatriés, tout cela, sans oublier l’impôt sur les grandes fortunes, n’est encore que l’esquisse d’une société plus juste qu’il nous faudra bâtir. Je vous avais promis d’étendre le champ des libertés publiques. Nous l’avons fait. Notre droit pénal est en voie d’être débarrassé des lois inutilement répressives. Mais, nous avons en même temps renforcé votre sécurité : 5 à 6 000 gardiens de la paix, 2 500 gendarmes actuellement recrutés, iront grossir les rangs de la force publique et veiller à la tranquillité des villes et des campagnes. Je vous avais promis des réformes sociales. Ce sera fait dans le courant du trimestre prochain et dès le mois de janvier, avec la réduction du temps de travail hebdomadaire, la cinquième semaine de congés, la retraite facultative à 60 ans, l’interdiction de certains cumuls d’emploi et de retraite, la formation professionnelle des jeunes de 16 à 18 ans. Déjà, nous avons garanti le droit des travailleurs immigrés. Nous voulons étendre, dans la réalité, le droit des femmes à l’égalité de condition et de salaire qui leur est reconnu par la loi. Nous voulons enfin réaliser les droits nouveaux des travailleurs dans l’entreprise, en généralisant les conventions collectives auxquelles échappent encore près de 3 millions de salariés et en faisant de la politique contractuelle - information, négociation -la pierre angulaire de notre vie sociale. Mais 1982 ne répondra à nos espoirs que si nous faisons reculer et le chômage et l’inflation. Pour gagner la bataille de l’emploi, j’attends de tous les Français qu’ils mobilisent leurs facultés d’énergie, d’initiative et d’entreprise et j’attends du Gouvernement qu’il leur en donne les moyens. Produire plus, produire mieux, c’est une nécessité. Il y faudra l’effort de tous, de la constance, de la confiance en soi : il y faudra encore et toujours des réformes. Réforme de la Sécurité Sociale, qui doit cesser de peser sur les seules entreprises et sur les salariés. Réforme de la fiscalité, qui doit cesser de freiner la volonté d’agir. Réforme de nos structures industrielles, afin que nous soyons capables de reconquérir notre marché intérieur et de distancer sur leur propre terrain nos concurrents étrangers. Réforme de la distribution. Ce sera aussi, croyez-moi, la meilleure façon de vaincre l’inflation. En tout cas, la reprise est là. C’est la première réponse à nos efforts communs. Au dehors, les périls s’accumulent. Un pays comme la France sait depuis plus de mille ans que l’histoire appartient aux peuples courageux et qu’habite l’amour sacré de la Patrie. C’est pourquoi, dans le cadre de notre alliance, nous devons assurer nous-mêmes notre défense C’est ce que j’ai fait en ordonnant la construction d’un septième sous-marin nucléaire et en fixant la stratégie de nos armées. Mais le choix qui est le nôtre, c’est la paix, c’est le désarmement, c’est la sécurité collective. Pour que la paix l’emporte, et elle doit l’emporter, il faut que se maintienne l’équilibre des forces entre les deux puissances qui dominent le monde. Cependant, il est également dangereux que les deux puissances dont je parle puissent coexister sur la base du partage de l’Europe d’il y aura bientôt quarante ans. Tout ce qui permettra de sortir de Yalta sera bon, à la condition de ne jamais confondre le désir que nous en avons et la réalité d’aujourd’hui. Le drame polonais s’inscrit dans cette contradiction. Il n’est pas de plus grande solidarité que celle qui nous unit au peuple de Pologne. Prouvons-le en refusant le système qui l’opprime et la domination qu’il engendre, en défendant son droit, ses libertés, sa juste aspiration à vivre indépendant, et sachons mesurer les lenteurs de l’histoire. Pour 1982, nos autres objectifs seront principalement de donner à la Communauté Européenne des dix une volonté politique et de faire entendre la voix de la France parmi les peuples du tiers-monde. A cet égard, on doit dire que s’il est des pays plus forts et plus riches que le nôtre, il n’en est pas de plus écouté, tout simplement parce que nous n’avons pas cessé de répéter que la lutte contre la misère et la faim passe par un nouvel ordre monétaire mondial et par le soutien des cours des matières premières dont dépend le sort des pays les plus pauvres. J’étais heureux de compter à Paris, à la fin de l’année, trente-trois pays Africains venus discuter en confiance avec nous, et de constater que la parole de la France s’identifiait à celle de la liberté. Françaises, Français, avant de vous quitter, je pense à celles et à ceux d’entre vous qui connaissent le deuil, les chagrins, le poids de la maladie et de la solitude, qui souffrent du chômage. Je pense, bien entendu, aussi à celles et à ceux qui vont fêter joyeusement le Nouvel An en cercle de famille. Tous ensemble, vous êtes la France, et je vous redis bonne année. Que l’espoir et la volonté inspirent notre action ! Vive la République! Vive la France! Françaises, Français de Métropole et d’Outre-mer, Fidèle à la tradition qui veut que le Chef de l’Etat offre ses voeux à la Nation à l’occasion du Nouvel An, je vous présente ce soir ceux que je forme pour la France. Comme la plupart des pays du monde, nous venons de vivre une année difficile. La crise, qui jusqu’alors frappait l’Europe, s’aggrave aux Etats-Unis d’Amérique, gagne le Japon, dévaste le Tiers-monde. Elle est universelle. Prise dans la tourmente, la France, mieux que les autres, a soutenu à la fois sa croissance, son budget, sa lutte contre le chômage. Plus que les autres, elle a défendu le pouvoir d’achat des moins favorisés. Plus tard que les autres, elle a réduit, mais pas assez, son inflation. Elle s’est moins bien comportée que les autres sur les marchés extérieurs. Voilà la vérité. Au total, en dépit de remarquables réussites - notre agriculture, par exemple, qui en 1982 a connu ses meilleurs résultats depuis bientôt dix ans, le renouveau industriel entrepris par le Gouvernement et qui commence à apporter ses fruits - au total, notre production et nos échanges demeurent insuffisants, trop d’hommes et de femmes parfois désespérés attendent un emploi et, je n’hésite pas à le dire, trop d’injustices pèsent encore sur les plus faibles. Et pourtant, de ce tableau sans complaisance, je tire les raisons de ma confiance pour l’avenir. Ce que l’on appelle la politique de rigueur n’est qu’une épreuve de vérité. Elle met en pleine lumière les aspérités du terrain et montre à tous l’itinéraire pour en sortir, car nous en sortirons, pour le bien de la France. A cette fin, je vous propose quatre objectifs prioritaires pour 1983. D’abord la jeunesse. J’attends du Gouvernement qu’il prolonge son action pour que tous les jeunes de 18 à 25 ans soient pourvus d’une formation ou d’un métier. Pas de jeunes sans formation professionnelle. Je souhaite que ce mot d’ordre rassemble à bref délai les initiatives publiques et privées. Deuxième objectif, la famille. Jamais elle n’a reçu pareil soutien qu’au lendemain du mois de mai 1981. Eh bien, retrouvons cet élan. Mais je considère, quant à moi, que l’aide au deuxième, puis au troisième enfant, représente pour nous un devoir national. Troisième objectif, la solidarité. Quiconque est seul dans la vie, quiconque est pauvre, quiconque souffre d’être parmi les sans travail, rencontrera, je vous l’assure, une société plus fraternelle. Solidaire est l’oeuvre du Gouvernement, auquel on doit: la retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés payés, l’aménagement du temps et des cadences de travail, les droits nouveaux des travailleurs, l’affirmation réitérée des droits des femmes, les nouvelles facilités pour l’installation des jeunes agriculteurs, les chèques-vacances, l’aide accrue aux personnes âgées et aux handicapés. Il faudra continuer, sans confondre le souhaitable et le possible. Mais, je le répète ici, il n’y aura pas de redressement national sans le préalable de la justice sociale. Quatrième objectif, et qui commande tous les autres, l’entreprise. Bon ! je vais dire une fois de plus ce que j ’ai dit cent fois: il faut produire, et produire plus, et produire mieux. Mais à cela, trois conditions. Modérer les charges sociales et financières, reconnaître leurs responsabilités à tous les travailleurs, inventer, investir, savoir vendre pour être compétitif. D’où l’importance du Plan, ce IXe Plan qui redeviendra, grâce à nous, l’ardente obligation qu’il n’aurait pas dû cesser d’être. Grands travaux, Expositions Universelles, moyens de transport et de communication modernes, ultramodernes, automobiles, métro, Airbus, T.G.V., réseaux câblés, satellites, ordinateur individuel, financement public dans les secteurs de pointe pour conquérir des marchés, économies d’énergie, recherche fondamentale et recherche appliquée à la mécanique, à l’électronique, à la médecine. Françaises, Français, Nous avons de quoi faire, si nous avons l’envie, la volonté de réussir en sachant avancer à la mesure de nos moyens. Alors, ensemble, parce qu’il faut qu’on soit ensemble sans se laisser détourner par des querelles inutiles, alors, ensemble, nous allons travailler à ce que s’épanouissent dans leurs diversités les vertus créatrices de ce grand peuple qui est le nôtre. Mais comment parler de la France sans regarder autour de nous ? 1983 verra, sur le sol de l’Europe, les deux superpuissances s’arranger ou surarmer. Je m’en tiens à cette règle d’or: l’équilibre des forces dans le monde et en Europe est la plus sûre invitation à la sagesse. Paix, équilibre, telle sera en tout cas, dans cette rude partie qui s’engage, la politique française. Quoi qu’il en soit, nous ne laisserons à personne le soin d’assurer à notre place notre sécurité et notre indépendance. Aussi ai-je donné l’ordre - toute politique est un choix - de renforcer nos moyens de dissuasion sur lesquels repose la défense du pays. Mais puisque j’ai prononcé le mot sécurité, je précise qu’il s’applique aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, il n’est pas de compromis quand la communauté nationale est en cause. Le rayonnement de la France est grand dans le monde, dans cette Europe qu’il faut construire, dans cet immense Tiers-monde qui a confiance en nous. Nous en avons besoin pour que notre parole soit entendue partout où la guerre et l’oppression se substituent aux droits de l’homme. Je pense à l’Afghanistan, au Liban, à la Pologne, à tant de peuples d’Amérique Latine et à tous ceux que l’on étouffe et que l’on brise. Ce soir, ce sera mon souhait de bonne année, un voeu de liberté et d’espérance pour les autres et pour nous-mêmes. Oui, Françaises et Français, bonne année ! Vive la République, Vive la France ! Mes Chers Compatriotes, A vous qui êtes réunis en famille, et avec vos amis, et à vous qui, ce soir, êtes seuls ou malades, j’adresse mes voeux de bonne année. Celle qui s’achève a été rude, cruelle même pour beaucoup. Ma pensée va vers les parents et les proches de nos soldats tombés au Liban, vers ceux qui ont, comme eux, perdu un être cher, vers ceux qui souffrent d’une séparation, vers ceux qui connaissent le drame du chômage. A tous je souhaite que l’an nouveau donne des raisons d’espérer. Mille neuf cent quatre vingt quatre. Bien qu’à de nombreux signes on voit notre pays sortir peu à peu de la crise, je ne promets rien d’autre à personne que la poursuite, sans faiblesse, de l’effort de redressement national où nous sommes engagés. Ce qui a été fait dans ce sens l’a été grâce à vous qui croyez en la France. C’est encore grâce à vous que nous venons de battre ces derniers mois le record absolu de nos ventes à l’étranger. Quel succès pour nos producteurs et nos exportateurs et quel exemple pour nous tous! Mais, ne nous y trompons pas, nous avons devant nous deux obstacles majeurs le premier s’appelle l’inflation qu’il faut encore réduire, et ce n’est pas facile, pour affronter victorieusement la concurrence ; le deuxième, c’est le vieillissement d’une partie de notre appareil industriel qu’il faut adapter au changement prodigieux et accéléré des techniques en formant femmes et hommes aux emplois qu’exigent ces techniques. Et comme l’État entend réaliser en 1985 le nécessaire allégement des impôts et des charges, c’est ainsi et pas autrement que nous relancerons l’activité économique, que nous créerons des emplois durables, que nous revaloriserons le pouvoir d’achat des salaires et que nous ferons de la France un grand pays moderne. A condition, évidemment, qu’une politique sociale de solidarité et de dialogue inspire et accompagne la politique économique. Elles sont, pour moi, inséparables. A l’extérieur, la France est parfois combattue mais toujours respectée. Au Liban où nous faisons notre devoir, c’est de nous que l’on attend, de part et d’autre, la sauvegarde des vies humaines ; sauvegarde rendue possible en plusieurs circonstances - départ des Palestiniens, échanges des prisonniers, aide à la population de Beyrouth - par la présence de nos soldats auxquels j’adresse ici mes voeux. Au Tchad, c’est de nous que l’on attend les chances de la paix et de l’indépendance dans une Afrique rassurée. Il appartient maintenant, et dans ces deux pays aux nationaux, eux-mêmes, de s’entendre et aux instances internationales d’assurer le relais. Alors, mission remplie, nos soldats rentreront chez nous. Vous avez suivi cette année, souvent avec anxiété, le débat sur les euromissiles, ces armes nucléaires installées en Europe et qui ne visent que l’Europe. J’ai, en votre nom, soutenu et je soutiendrai demain qu’il devait y avoir équilibre des forces et au plus bas niveau possible, si l’on voulait servir la paix. Puissent les Russes et les Américains se décider à négocier utilement. Enfin, 1984 sera l’année de l’Europe pour le meilleur ou pour le pire. Deux rendez-vous sont déjà pris. En juin, on élira les députés européens et la France présidera, dès ce premier janvier, aux destinées de la Communauté. Première dans le monde sur le plan commercial, il manque à l’Europe une volonté politique, c’est-à-dire la conscience de ce qu’elle vaut, de ce qu’elle peut. La France, qui est européenne ne veut pas rater cette chance. Mes Chers Compatriotes, voilà pour nous de grandes tâches. Sans oublier les autres: plus de sécurité, des banlieues rénovées, et plus d’enfants dans nos familles. En dépit de leurs divergences, je ne me lasserai jamais d’espérer - ni de vouloir -que les Français s’unissent quand il s’agit de l’essentiel. Bonne année à tous. Vive la République! Vive la France! Mes Chers Compatriotes, Ce soir, partout en France, nous souhaiterons la bonne année à ceux que nous aimons. Mais nous penserons d’abord à ceux qui souffrent, en ce jour, de solitude, de maladie. de pauvreté et de chagrins de toute sorte. Nul ne peut vivre sans espoir. Aussi mon premier voeu sera-t-il que nous soyons plus solidaires. Mon deuxième voeu découle du premier: que la France et que les Français s’unissent sur l’essentiel. Vous le constatez comme moi: ils se divisent à tout propos alors qu’ils sont si forts, rassemblés. Permettez-moi un souvenir, tout à fait personnel. Grands-parents, parents, huit frères et soeurs, cousins, nous n’étions jamais moins de quinze à vingt, à la maison, dans notre petite ville de Charente. Quand nous fêtions le Nouvel An il n’y avait pas de discours. Mais j’entends encore un mot qui revenait constamment dans la bouche de mon père: “ tolérance ”, “ Soyez tolérants entre vous ” disait-il à notre petite troupe turbulente. Eh bien ! Mes Chers Compatriotes, un pays est comme une famille. On n’a pas les mêmes goûts, on n’a pas les mêmes idées, mais on a la même Patrie. La nôtre est belle et grande. Aidons-la, servons-la. Aimons notre Patrie. Soyons-en sûrs, si nous traitons les problèmes graves et difficiles de l’heure, chômage, sécurité, Nouvelle-Calédonie, avec esprit de tolérance, vous verrez que nous les réglerons dans l’intérêt de tous. Et puis dans le monde très dur où nous vivons, où l’on n’a rien pour rien, il faut que vous compreniez que la France a besoin de l’union de tous ses enfants. Mon troisième voeu sera vite dit: “ Bonne année pour l’Europe ”, afin que la jeunesse d’aujourd’hui puisse entrer de plain-pied dans le siècle prochain. Nous avons le droit d’être fiers, nous Français. Ce sont deux des nôtres qui, voici trente cinq ans, ont inventé l’Europe de la Communauté. Et c’est encore chez nous, à Fontainebleau, au mois de Juin dernier, qu’elle a repris conscience d’elle-même. Puisqu’on parle de grands projets pour la jeunesse, en voilà un ! Oui, Bonne Année pour l’Europe ! Et, Bonne Année aussi pour la paix ! Bientôt les Etats-Unis d’Amérique et la Russie soviétique se retrouveront à Genève pour discuter désarmement. Il était temps. Les tensions s’aggravent et des millions d’êtres humains meurent de faim. Tout est lié. Je souhaite que le dialogue Est-Ouest laisse enfin le champ libre au dialogue Nord-Sud, c’est le seul dialogue de l’espoir. Mes Chers Compatriotes, Ma mission est de dire la vérité des Français aux Français. Cette mission je la remplirai. Nous avons traversé bien des crises, subi bien des épreuves dans notre histoire. Celle d’aujourd’hui n’est pas la pire. Mais elle réclame les mêmes vertus: l’union, le courage et l’effort. C’est avec ce bagage qu’on gagne les victoires. Et moi, je crois de toutes mes forces à la France qui gagne. Bonne Année à la réussite de la France ! Vive la République ! Vive la France ! Bonne et heureuse année, mes Chers Compatriotes, Une année qui finit, une année qui commence, c’est un moment grave et joyeux et l’on aime à être ensemble un soir comme celui-ci. On se sent plus fort, plus uni. Comment ne pas penser aux autres qui sont seuls et qui souffrent, privés d’espoir ou de travail, malades, otages victimes de l’injustice de la vie, ou pire, de l’injustice des hommes. Mais une année nouvelle, c’est aussi une étape pour la France, une étape bien courte, trop courte pour en juger. Voyez, on peut le dire, il aura fallu plus de quatre ans pour qu’on commence à se rendre compte que nous sommes sur le bon chemin. Vous remarquerez que les catastrophes annoncées avec tant d’insistance, jour après jour et pendant des années, ne se sont pas produites. Je crois pouvoir dire, au contraire. L’inflation recule, et nous abordons 1986 dans la meilleure situation que nous ayons connue depuis dix-huit ans. Pour la première fois depuis seize ans, le chômage a cessé de croître. Les comptes de notre commerce extérieur, ce qu’on achète et ce qu’on vend à l’étranger, sont équilibrés. Le franc tient sa place parmi les monnaies fortes. Les impôts d’État ont diminué. L’emprunt obligatoire de 1983 sera remboursé en janvier. L’épargne populaire se porte bien. Tout cela n’est pas tombé du ciel mais résulte de vos efforts. Et moi, je suis fier des Français. Ils protestent toujours, mais ils sont courageux. On a dit que nos réformes sociales avaient coûté trop cher. Demandez donc aux bénéficiaires de la retraite à 60 ans si cela coûte trop cher un peu de repos après tant de travail, demandez ce qu’ils en pensent à ceux qui m’écoutent en cet instant et qui ont pu prendre pour Noël une cinquième semaine de congés payés. Demandez aux familles, aux salariés du SMIC, aux personnes âgées, aux handicapés, si cela coûte trop cher de les aider à vivre mieux. Croyez-moi, un peuple, pour être grand, doit être solidaire. Eh bien, il faut continuer. Surtout, ne lâchons pas la rampe. Ce sera difficile, encore, mais nous finirons par gagner. Regardons autour de nous. La liste est longue des peuples écrasés par la guerre, par l’oppression, la tyrannie et le racisme, et qui ne peuvent, comme nous le faisons en cette veillée du Nouvel An, célébrer dans la joie et dans la liberté leurs fêtes traditionnelles. Oui, il y a des moments où l’on mesure vraiment la chance qu’on a de vivre libre dans un pays comme le nôtre. Libres et forts. Troisième puissance militaire, cinquième puissance industrielle dans le monde occidental, engagée à fond dans la construction de l’Europe, écoutée dans le Tiers-Monde, et cette année vous avez vu que la France et Paris s’étaient trouvés, une fois de plus, sur la route qui conduit à la détente et à la paix. Mes Chers Compatriotes, des élections législatives auront lieu au mois de mars prochain. Elles seront l’occasion d’un débat normal et sain dans une démocratie. Vous ferez ce que vous voudrez. Je vous demande de préserver ce qui a été conquis sur l’injustice sociale et sur la crise économique. Je souhaite que rien ne vienne compromettre le redressement qui mobilise toutes nos forces. Quant à moi, garant de l’unité nationale, je serai là pour assurer la continuité de nos institutions et répondre comme il se doit aux volontés de notre peuple. Bonne et heureuse année pour vous tous. Vive la République! Vive la France! Mes Chers Compatriotes, Je remercie la tradition qui me vaut, pour la sixième fois, de vous souhaiter la bonne année et d’adresser, en votre nom, un signe d’amitié à ceux qui vivent dans la peine, pauvreté, chômage, maladie, solitude, ou qui attendent depuis si longtemps, et avec quelle angoisse, le retour d’un être cher. Les voeux que je forme pour vous ne varient pas avec le temps, je souhaite que la France sache s’unir quand il faut. Je souhaite qu’elle sache vivre et faire vivre sa démocratie. Je souhaite qu’elle gagne les enjeux que lui propose le monde moderne. Qu’elle sache s’unir quand il le faut. Les événements de 1986 ont montré que la nécessité de faire front, sans hésiter, contre le terrorisme, s’imposait. Ils ont montré que nous devions plus que jamais nous mobiliser contre le chômage, ils ont montré que nous devions répondre aux aspirations des jeunes et leur donner plus largement les moyens d’ouvrir les portes du savoir et la responsabilité d’un métier, ils ont montré que nous devions persévérer dans notre effort pour que recule la vie chère, ou si vous voulez, l’inflation. Voilà de grandes causes nationales autour desquelles se rassembler. Mais il en est d’autres. Que notre politique extérieure et notre politique de défense obtiennent dans l’opinion un vaste consentement, qu’il s’agisse de la défense de la paix, de la construction de l’Europe, du développement du Tiers-Monde et de la lutte contre la faim, de la défense des Droits de l’Homme ou des conditions de notre indépendance. Je n’insisterai ce soir que sur ce point. L’Europe ne se fera pas toute seule. Elle subira, dans les mois qui viennent, de rudes assauts. Elle a besoin qu’on l’aide et que l’on y croie, elle a besoin que les peuples s’en mêlent. La France est notre patrie et l’Europe notre avenir. Ne manquons pas ce rendez-vous. Mon autre souhait, je vous l’ai dit, est que la France sache vivre et faire vivre sa démocratie. Les élections législatives du 16 mars nous ont posé un problème nouveau. Nous avions débuté l’année avec une majorité et une politique. Nous l’avons continuée avec une autre majorité pour faire une autre politique. Dans cette situation, mon devoir était clair et ma décision prise d’éviter à la France une crise inutile. Inutile, et donc dangereuse pour la bonne marche de la République, dangereuse pour le redressement économique entrepris de longue date par nos gouvernements. J’ai assuré la continuité de l’Etat, et j ’entends maintenir ce cap. A chacun d’exercer sa tâche dans le souci des équilibres dont dépend le bien public. Mon troisième voeu, enfin, pour 1987, me servira de conclusion. Il est que la France gagne. Elle y parviendra d’autant mieux qu’on aura écarté de sa route les sujets qui la divisent et qui la blessent dès lors qu’ils touchent à ses racines historiques, culturelles, spirituelles qui sont essentiellement pluralistes. Elle y parviendra d’autant mieux que nous saurons faire prévaloir la paix sociale. La démocratie est, par nature, débat, confrontation d’idées et d’intérêts. L’approche en est difficile pour tout gouvernement, qui a mission de décider. Mais, dans les conflits de cette sorte, l’esprit de tolérance et la volonté de dialogue doivent l’emporter sur le refus et le repli sur soi. C’est comme dans une famille. Mieux vaut se parler que s’ignorer. Mes Chers Compatriotes, quand je vois ce dont sont capables tant de Français et dans tant de domaines, champions de la science, des arts, de l’industrie, du sport, quand je vois la qualité de nos ouvriers, de nos cadres, de nos agriculteurs, quand je constate le rôle de la France sur la scène internationale, je suis sûr de nos moyens et de nos chances. Encore faut-il y ajouter la volonté de réussir, et de réussir tous ensemble. Bonne année 1987, Vive la République, Vive la France ! Mes Chers Compatriotes, Nous qui serons nombreux ce soir à fêter le Nouvel An, ayons d’abord une pensée, comme je vous y invite chaque fois, pour ceux qui seront seuls, âgés, malades, sans famille, ou séparés de ceux qu’ils aiment, pour ceux que la crise frappe durement, victimes du chômage ou de la pauvreté, pour ceux que les violences de la nature ont accablés. C’est mon rô1e, je crois, que d’exprimer au nom de tous la fraternité qui nous lie, la fraternité qui, si souvent, nous manque. La France est un pays de liberté où l’on se plaît à discuter, à s’opposer, parfois même à se déchirer. Je forme mes voeux, simplement, pour qu’on s’y aime un peu plus, et qu’on sente un peu mieux nos raisons d’être unis quand notre avenir est en jeu. Je désire, précisément, réfléchir avec vous à trois des rendez-vous que 1988 nous propose. Un pour la paix, un pour l’Europe, un pour la France. Pour la paix, c’est la première fois depuis l’ère atomique que les deux plus grandes puissances du monde décident de désarmer. Certes, il faudra veiller aux équilibres nécessaires. Mais si l’on échoue, la course au surarmement reprendra de plus belle et personne n’y gagnera. Souhaitons, mes chers compatriotes, souhaitons que Messieurs Reagan et Gorbatchev réussissent à dégager la route. Et prêtons leur la main. Parmi tant de conflits sanglants ce serait enfin un signe de sagesse et d’espoir. Nous n’en avons guère vu d’autres en 1987. Nulle part la paix ne l’a emporté sur la haine. Et partout le fossé s’est creusé entre les pays pauvres et les pays développés. Quand au rendez-vous de l’Europe, n’oublions pas que le 31 décembre 1992, dans cinq ans jour pour jour, les frontières qui s’élèvent encore entre les douze Etats de la Communauté tomberont. Cinq ans pour faire de 320 millions d’êtres humains un peuple en marche, un acteur de l’histoire, cela suppose la mobilisation immédiate de nos forces autour d’une formidable volonté politique. Les dirigeants européens n’en montrent pas beaucoup ces temps-ci. Je souhaite ardemment qu’ils se reprennent et que la France, une fois de plus, donne l’élan. En tout cas, on saura dès cette année, si l’échéance sera tenue. Le troisième rendez-vous est celui que la France s’est fixé à elle-même: je veux dire l’élection présidentielle. Mes voeux pour cet acte majeur de notre vie commune sont que les Français se prononcent clairement sur quelques choix essentiels et qu’ils le fassent, si possible, dans un esprit de tolérance. Je n’établirai pas ici la liste de ces choix. Les candidats s’en chargeront en temps voulu. J’observerai cependant que rien ne sera possible sans la religion de l’effort, de l’initiative et de la création, sans le concours de la jeunesse; que tout passera par le savoir, la formation, par la recherche, par la culture; que notre République est une démocratie politique mais, également, économique et sociale, ce qui signifie que les responsabilités et les fruits du travail doivent être justement partagés, que la solidarité nationale doit inspirer nos lois, que la protection sociale est droit, et qu’il ne doit exister dans notre société, en Métropole comme Outre-mer, ni exclus, ni laissés pour compte. Mes Chers Compatriotes, j’ai voulu depuis bientôt sept ans que la France fût défendue, écoutée, respectée. Elle l’est. C’était mon devoir aussi que de la prémunir contre ses divisions, que de témoigner pour l’unité profonde de son peuple sans jamais souscrire à l’abandon de ses principes, sans jamais renier mes propres convictions. Pendant les mois qui viennent et dont on peut prévoir qu’ils connaîtront des turbulences, votre confiance m’aidera. Bonne année à vous tous, Vive la République ! Vive la France ! Mes Chers Compatriotes, Parce que c’est à Strasbourg que Rouget de l’Isle a, pour la première fois, chanté la Marseillaise - le chant de la patrie et de la République - parce que Strasbourg est la Capitale de l’Europe et que, cette Europe, nous avons quatre ans, pas davantage, pour la construire, parce que Strasbourg vient de fêter son deuxième millénaire, et pour bien d’autres raisons qui font que Strasbourg est aimée des Français, je suis heureux de vous présenter, ce soir et de cette ville, mes voeux de Nouvel An. Nulle part mieux qu’ici on ne se sent à la fois, Français et Européen, Européen Français. Nous allons célébrer cette année le bicentenaire de la Révolution dont le premier acte a été, en 1789, de proclamer les droits de l’homme et la souveraineté du peuple. Deux idées, deux principes qui depuis lors ont inspiré tous les combats pour la liberté et la démocratie. Ce message que la France a lancé au monde, il y a maintenant deux siècles, nous avons, certes, le droit d’en être fiers mais nous avons aussi le devoir de lui rester fidèles. Or, il y a chez nous plus d’exclus et de laissés pour compte qu’on ne le croit généralement, que ce soit pour cause de chômage, de maladie, d’ignorance, de pauvreté, que sais-je ? Ou de couleur de peau. C’est pourquoi je me suis réjoui qu’à la demande du Gouvernement, le Parlement ait voté ce mois-ci un revenu minimum d’insertion qui ne laissera personne sans ressources, c’est pourquoi j’ai voulu que les crédits de l’Éducation Nationale soient fortement augmentés, et qu’ils continueront de l’être ces prochaines années, afin que chacun de nos enfants ait la chance de s’instruire et de se former, dès l’école, en vue d’acquérir un métier et de réussir sa vie professionnelle. De même, j’ai approuvé du fond du coeur, la voie choisie pour la pacification des esprits en Nouvelle-Calédonie. Mais il reste beaucoup à faire. Je souhaite par exemple, que soient révisées sans tarder plusieurs des dispositions législatives applicables aux immigrés, dispositions qui ne me paraissent ni équitables, ni justifiées. Ce sera notre réponse aux actes criminels qui ont marqué ces derniers temps un certain réveil du racisme. Je souhaite également que s ’engage la discussion du nouveau code pénal déposé au Sénat par Robert Badinter, au début de 1986, afin d’humaniser et de moderniser notre droit. Et d’une façon plus générale, comment ne pas entendre l’appel de celles et de ceux qui vivent dans la difficulté quotidienne - un salaire ou un traitement trop bas, pas de logement ou un loyer trop cher, des moyens de transports défaillants ? Celles et ceux qui souffrent dans leur dignité de n’ être pas reconnus pour ce qu’ils valent? Il faut que la croissance de notre richesse nationale, qu’une gestion sérieuse nous permet d’entrevoir, soit en même temps que le meilleur moyen de créer des emplois, l’occasion de réduire les inégalités excessives de notre société, en partageant plus justement les fruits de l’effort commun. Croyez-le, mes Chers Compatriotes, plus nous serons unis autour des idéaux qui ont fondé la République et mieux la France se portera et plus grandes seront ses chances de tenir sa place dans l’Europe de demain. Car voilà que se propose un autre enjeu, celui que l’Europe, notre Europe des douze s’est fixé à elle-même, puisque le 31 décembre 1992, je le répète, dans quatre ans seulement, 320 millions d’Européens, dont nous sommes, auront à vivre ensemble, toutes barrières abattues, libres d’échanger leurs biens et leurs services, de circuler, de s’installer, de travailler où ils voudront. C’est un risque me dira-t-on. Sans doute. Eh bien ! Ce risque est pris et je l’assume en votre nom, assuré qu’un pays créateur comme le nôtre n’a rien à craindre de l’histoire, s’il mobilise comme il convient ses énergies et ses talents. Le vrai risque serait au contraire de s’isoler, de se replier sur soi-même. Seule l’Europe technologique, économique et monétaire aura la dimension suffisante pour rivaliser avec le Japon et les Etats-Unis d’Amérique. Seule l’Europe politique sera capable de tenir tête aux puissances qui dominent le monde. Et j’attends dès maintenant, pour 1989, que nos partenaires s’engagent avec nous afin que les peuples de la terre s’organisent, et qu’ils prennent en charge leur environnement, menacé des pires désastres la forêt qu’on tue, l’eau que l’on corrompt, l’air qu’on épuise par aveuglement ou par goût coupable d’un profit immédiat. J’attends, de l’Europe aussi qu’elle comprenne que sans politique sociale et sans espace culturel, elle ne sera pas. Enfin, c’est à l’Europe qu’il appartient, me semble-t-il, de donner l’exemple pour corriger les déséquilibres qui s’ accroissent entre les pays riches et les pays pauvres. Mes Chers Compatriotes, dans cette perspective je vous dis bonne année. En dépit des drames qui l’ont traversée, 1988 a vu la paix et le désarmement gagner du terrain sur la guerre. L’espoir grandit d’une ère nouvelle. Puisse 1989 justifier cet espoir. Vive la République! Vive la France ! Mes Chers Compatriotes, Nous avons été fiers de fêter cette année le Bicentenaire de notre révolution, de commémorer le rôle joué par la France dans le combat pour la liberté et pour l’égalité, pour la défense des droits de l’homme et voilà qu’à deux cents ans de distance les mêmes mots, porteurs des mêmes espérances, ont renversé d’autres bastilles là où, en Europe, régnait encore la dictature. Chacun le sait, le changement qui s’est produit ces derniers mois dans les pays de l’Est dépasse, en importance, tout ce que nous avons connu depuis la seconde Guerre mondiale et s’inscrit, sans aucun doute, parmi les grands événements de l’histoire. Il a fallu pour cela que se conjuguent un échec économique et politique sans appel, l’intuition et la volonté de Mikhaïl Gorbatchev, la force de conviction et le courage moral des résistants à l’oppression, l’étonnante maturité enfin des peuples en révolte contre la tyrannie. Quoi qu’il en soit, nous venons d’assister à la plus éclatante victoire de la démocratie, 1789-1989, personne n’aurait osé rêver pareille célébration pour un si bel anniversaire. Mais le drame roumain nous rappelle que l’histoire est tragique et que la liberté se paie au prix de la souffrance. N’oublions pas ce qu’ont subi des millions et de millions de femmes et d’hommes pendant une si longue nuit. Leur soudaine libération ne peut faire illusion. Ils ont devant eux beaucoup d’obstacles à surmonter et ils auront besoin de nous. L’Europe, c’est évident, ne sera plus celle que nous connaissons depuis un demi-siècle. Hier, dépendante des deux superpuissances, elle va, comme on rentre chez soi, rentrer dans son histoire et sa géographie. Des questions nouvelles commencent à se poser qui n’auront pas de réponse en un jour, mais elles sont posées : l’avenir des alliances, l’Alliance Atlantique et le Pacte de Varsovie, à quel rythme poursuivre le désarmement, sous quelle forme et dans quelles conditions se réunira le peuple allemand, quel type de coopération entre l’est et l’ouest, l’intangibilité ou non des frontières existantes, et jusqu’où le réveil des nationalités? Ou bien la tendance à l’éclatement, à l’émiettement s’accroîtra et nous retrouverons l’Europe de 1919 - on connaît la suite - ou bien l’Europe se construira. Elle peut le faire en deux étapes, d’abord grâce à notre Communauté des douze qui doit absolument renforcer ses structures comme elle vient de le décider à Strasbourg. Je suis persuadé qu’elle a, par sa seule existence, puissamment contribué au sursaut des peuples de l’est en leur servant de référence et de pôle d’attraction. La deuxième étape reste à inventer à partir des accords d’Helsinki, je compte voir naître dans les années 90 une Confédération européenne au vrai sens du terme, qui associera tous les Etats de notre continent dans une association commune et permanente d’échanges, de paix et de sécurité. Cela ne sera évidemment possible qu’après l’instauration, dans les pays de l’est, du pluralisme des partis, d’élections libres, d’un système représentatif et de la liberté d’information. A la vitesse où vont les choses, nous n’en sommes peut-être pas si loin. Souvent, tandis que les foules de Prague, de Bucarest, de Varsovie ou de Berlin mettaient à bas les murs de toutes sortes où l’on voulait les enfermer, je me disais que nous avions de la chance, nous Français, de vivre dans un pays comme le nôtre, formé par les principes de 1789 et cent vingt ans de République. Mais je pensais aussi qu’il nous fallait en être dignes. Les peuples libérés ne nous demandent pas l’aumône mais des raisons de croire dans un régime de liberté et de justice, c’est-à-dire un certain modèle de vie au sein d’une société de droit. Je forme des voeux pour que la France échappe aux entraînements du racisme, pour qu’ elle se montre ouverte et fraternelle à quiconque vit sur son sol et se met sous la protection de ses lois. J’entends qu’elle reste au premier rang des Nations qui luttent contre la pauvreté, le sous-développement des populations chez nous et dans le monde. Je forme des voeux, et le gouvernement y travaille, pour que la croissance de notre économie qui a déjà permis de créer, en 1989, plus de 350 000 emplois fasse enfin reculer le chômage et pour que les profits que le pays en tire soient plus justement partagés. Je forme des voeux pour que de grands chantiers tels que le logement social, la fonction publique, la formation professionnelle, l’application et l’extension des lois Auroux, la rénovation de l’université, et bien d’autres encore, reçoivent les concours syndicaux et politiques qu’ils méritent. Mes voeux vont aussi, mes chers compatriotes, vers vous qui m’écoutez, et particulièrement vers ceux d’entre vous qui sont seuls ou dans la peine. Je souhaite de toutes mes forces que la France offre à ceux qui l’aiment, le visage qu’ils attendent d’elle. Bonne et heureuse année 1990 à tous. Vive la République, Vive la France ! Mes Chers Compatriotes, A l’heure des voeux du Nouvel An, vous trouverez normal que nous portions d’abord notre pensée vers nos soldats qui servent la France dans cette région du Golfe où pèse encore si lourd la menace de guerre. Nous leur dirons notre confiance. Ils témoignent du rang qu’occupe notre pays dans le monde et de sa capacité à prendre part au règlement des grands dossiers de la planète, à la place que nous avons héritée de la seconde guerre mondiale. N’oubliez pas, en effet, qu’avec les Etats-Unis, l’Union Soviétique, la Chine et la Grande-Bretagne, nous sommes l’un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, organe suprême des Nations-Unies. A ce titre, nous avons condamné l’invasion et l’annexion du Koweït par l’Irak et participé à l’embargo. Comprenez-moi, si nous laissons violer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, rien n’empêchera, un peu partout, le fort d’écraser le faible, d’imposer sa violence. J’ai connu cela quand j’avais vingt ans et je ne veux pas que cela recommence. En tout état de cause, la France appliquera les résolutions du Conseil de Sécurité, y compris le recours éventuel à la force. Voilà pourquoi j’ai décidé l’envoi de nos soldats au Moyen-Orient. Mais je crois encore aux chances de la paix et la France y travaillera jusqu’au bout, à la condition de tenir bon sur les principes. C’est ce qui s’est produit pour les otages. Aujourd’hui, ils sont libres. C’est ce qui peut se produire demain pour le Koweït. Je l’ai dit à la tribune des Nations-Unies, le 24 septembre dernier, il faut que l’Irak s’en convainque: le Koweït occupé, rien n’est possible, le Koweït évacué, tout le devient. Alors s’ouvrira le temps du dialogue. Je souhaite qu’il s’organise dans le cadre d’une ou plusieurs conférences internationales où ne sera éludée aucune question: ni le droit d’Israël à la sécurité, ni le droit des Palestiniens à posséder une patrie, ni le droit du Liban à son intégrité, ni le droit de tous, de l’Irak, du Koweït, à vivre en paix dans une région où l’on aura la sagesse, comme nous l’avons fait en Europe, de préférer l’entente à l’affrontement perpétuel. Là encore, dans cette oeuvre de paix, parce qu’elle aura été présente au moment difficile, la France jouera le rôle qui lui revient. Ce rôle, elle l’a tenu dans la rafale d’événements de 1990. Par exemple, c’est à Paris, sous présidence française, que s’est réunie, il y a moins de deux mois, la plus importante conférence européenne de l’histoire puisque, à l’exception de l’Albanie, tous les Etats de notre continent s’y sont retrouvés, en compagnie des Etats-Unis et du Canada, pour proclamer solennellement la fin de l’après-guerre et des blocs militaires, pour signer le premier accord de désarmement des forces conventionnelles, pour enregistrer le traité qui a consacré l’unité allemande, pour garantir l’inviolabilité de la frontière entre l’Allemagne et la Pologne et pour doter enfin cette Europe nouvelle de structures durables. Je me souviens de vous avoir déclaré, lors des premiers voeux que je vous adressais, le 31 décembre 1981: “ Tout ce qui permettra de sortir de Yalta sera bon ”, ce qui voulait dire “ tout ce qui permettra d’en finir avec la division mortelle de l’Europe ”. Eh bien ! C’est fait. On doit maintenant aller plus loin grâce à la Communauté des douze, attelée à son unité politique, économique et monétaire, grâce à la Confédération européenne dont on jettera les bases dès le printemps prochain, grâce à la solidarité accrue à l’égard des pays de l’Est. Tout cela va dans le même sens. J’entends pourtant, ici et là, des craintes s’exprimer. Peur de l’Europe, précisément, qui nous priverait de notre identité. Peur de l’Allemagne réunifiée. Peur du Japon dont les produits inondent nos marchés. Peur des Etats-Unis, désormais seule superpuissance. Peur de l’Union Soviétique, instable et divisée. Peur de l’Afrique du Nord, si peuplée qu’elle déborde. Peur de l’Afrique noire en détresse. Peur de l’incendie au Moyen-Orient. Or, la position de la France est forte à l’étranger, ceux qui voyagent le savent, ils en sont fiers. Je suis frappé du décalage qui existe entre la réalité de notre situation et l’idée que s’en font bon nombre de Français. Ayons confiance en nous. Je sais ce qui ne va pas chez nous. Je sais aussi ce qui va bien. Faire mieux est affaire de courage, de volonté, et d’imagination créatrice. Nous avons besoin de l’Etat, de son autorité pour contenir les intérêts particuliers. Nous avons besoin d’un climat moral assaini pour mobiliser l’énergie collective. Nous avons besoin d’une plus grande égalité dans le partage des profits dus au travail de tous. Nous avons besoin d’une jeunesse formée aux métiers qu’elle fera pour que recule enfin la gangrène du chômage. Et je n’ignore pas que nous avons besoin de bien d’autres choses encore. C’est vrai, rien n’est facile. Tout est péril pour un peuple qui s’abandonne. Mais la France a toujours eu des voisins, des concurrents ambitieux, incommodes. Voilà mille ans que cela dure ! Et elle est là, vivante, active et forte en cette fin du 20ème siècle, à l’avant-garde des idées et des initiatives qui modèleront le suivant. Mes Chers Compatriotes, ce soir mes voeux tiendront en quelques mots très simples, ceux que vous emploierez vous-mêmes quand vous vous direz "Bonne année". Que 1991 vous soit aussi heureuse que la vie le permet, que vous soient épargnées les grandes peines, la souffrance et la solitude, que vous vous sentiez solidaires, là où vous êtes, de ceux qui vous entourent et, d’une façon plus large, que vous ayez l’envie, l’ambition de contribuer au succès de la France qui reste, grâce à vous, l’un des premiers pays du monde. Vive la République ! Vive la France ! Mes Chers Compatriotes, L’année qui s’achève a été difficile. Nous l’avons commencée dans l’épreuve de la guerre du Golfe. Je vous ai demandé à l’époque, de vous unir. Le courage de nos soldats et l’entente avec nos alliés ont fait le reste. Et nous avons, ensemble, rétabli le droit. Mais entre Israël et les pays arabes, la paix reste en suspens tandis que plus près de nous l’Algérie se cherche. Là, comme ailleurs, l’histoire n’est jamais en repos. L’Europe, de son côté, a connu des bouleversements sans pareil. l’Union Soviétique a perdu son empire et s’est écroulée sur elle-même, effaçant à la fois la trace de Staline et celle de Pierre-Le-Grand. Le départ, ces derniers jours, de Monsieur Gorbatchev par qui tout fut possible - la fin de la guerre froide, le désarmement, l’approche de la démocratie sur cette terre brûlée par des siècles de despotisme - laisse place à des Républiques souveraines à qui nous adressons nos voeux mais qui ont encore à trouver leur voie pour que reculent la misère et la faim, et pour qu’on sache où siège la responsabilité nucléaire. Depuis quelques mois, nous avons dans les yeux les images terribles des combats que se livrent les peuples de Yougoslavie, hier encore associés sous un même drapeau. Comment arrêter cette guerre ? La France soutient les efforts de négociation et d’arbitrage de la Communauté et des Nations-Unies. Elle reconnaît le principe de l’autodétermination. Mais il lui paraît urgent que soient mises en place des structures inter-européennes, où le droit à l’indépendance ne se confondra pas avec l’anarchie des tribus d’autrefois. Ce sera, je le pense, l’un des enjeux majeurs de 1992. Car l’inquiétude gagne l’Europe de l’Est où l’on redoute la contagion. Comment cette inquiétude nous épargnerait-elle, nous qui, à l’Ouest, avons pourtant la chance de vivre en paix et d’avoir dépassé nos propres divisions ? Raison de plus de se réjouir des récents accords de Maastricht. Une monnaie commune, l’amorce d’une diplomatie, d’une défense et d’une armée communes à l’Europe des Douze, une charte sociale, l’exemple de stabilité offert aux peuples qui se déchirent, bientôt 350 à 360 millions d’Européens solidaires sur la scène du monde, en attendant les autres, bref, l’Europe qui se fait: voilà un grand dessein, capable d’enthousiasmer, de rassembler et de justifier l’espérance. C’est au printemps prochain que la France aura à ratifier le traité auquel j’ai souscrit en son nom. Cinq siècles exactement après la découverte de l’Amérique, ce sera une autre manière de découvrir l’Europe, celle du troisième millénaire. Chez nous, nous subissons une crise de langueur, économique sans doute, psychologique aussi. On s’est lassé d’attendre la reprise. On espérait des Etats-Unis qu’ils donneraient le signal. Mais le signal n’est pas venu. Je comprends que cette situation vous angoisse qui se traduit de mois en mois par des milliers d’emplois perdus, qui s’ajoutent à tant d’autres. Et puis il y a encore trop de gens malheureux, trop de gens éprouvés. Tout cela je le sais. J’ai besoin de vous pour continuer patiemment de combattre ce mal. Vous avez le droit de douter lorsqu’on vous dit que, dans le désordre général, la France s’en tire mieux que les autres, qu’elle maîtrise l’inflation, mieux que l’Allemagne, mieux que l’Angleterre, mieux que les Etats-Unis, que sa croissance, trop faible encore, reste cependant supérieure à la leur. Et pourtant, c’est vrai ! La France travaille, la France agit. On sera surpris quand les passions se seront apaisées, de la somme d’initiatives, de réalisations engagées par le gouvernement, notamment pour la formation des jeunes à la recherche d’un emploi. Interrogez les chefs d’entreprise, les ingénieurs, les producteurs présents sur les marchés internationaux, eux qui peuvent comparer, qui savent que la France demeure l’un des quatre premiers pays du monde, qui constatent qu’à l’étranger on nous considère comme l’un des pays les mieux préparés pour le retour de la prospérité. Ils vous diront ce qu’ils en pensent. Enfin, il nous restera à doter la République d’institutions mieux adaptées à notre vie démocratique. J’engagerai cette réforme avant la fin de l’année. Je veux rendre plus évident encore, qu’il n’est pas de pays plus libre que le notre. Mais il ne dépend pas de moi seul qu’il soit aussi le plus responsable. Que les élus, les syndicats, la presse, qui voudra, m’aident à faire comprendre que l’intérêt général doit l’emporter sur l’individualisme, la solidarité sur les corporatismes, le sens national sur l’esprit partisan, la justice sociale sur l’abus des profits. Mes Chers Compatriotes, voeux pour la paix, voeux pour l’Europe, voeux pour la France, c’est une façon pour moi, en cette veille de Nouvel An, de vous dire ce que je souhaite pour vous, dans votre vie de tous les jours, que vous soyez seuls ou en famille, en France ou loin de chez nous: santé, sécurité, joie d’aimer, d’être aimé. A tous, bonne et heureuse année, Vive la République ! Vive la France ! Mes Chers Compatriotes, Saluons, pour commencer l’année, l’audace et la sagesse. La sagesse est celle des Chefs d’Etat, américain et russe, qui signeront dans trois jours un accord portant sur la réduction en dix ans, de deux tiers de leurs armes nucléaires stratégiques. L’audace est celle de l’Europe, puisque demain, premier janvier 1993, les frontières disparaîtront entre les douze pays de la Communauté. Je vous en parlais ces dernières années, comme on parle d’une espérance. Eh bien, demain, ce sera fait ! Les marchandises et les capitaux, tout de suite, les hommes bientôt, circuleront sans obstacle du nord de l’Allemagne au sud de l’Italie, de Londres à Athènes ou de Rome à Lisbonne. Par bonheur, la géographie a placé la France au centre de cette Europe là. Elle y gagnera encore en influence. Le traité de Maastricht dont la mise en oeuvre aura lieu, quoiqu’il advienne, au cours des prochains mois, parachèvera ce vaste ensemble. Par votre vote du 20 septembre 1992, vous avez donné à l’Europe l’élan qui lui manquait. Mais si l’Ouest de notre continent va vers son unité, l’Est va vers sa dispersion. Nul ne reprochera à des peuples longtemps privés de liberté de s’enfermer jalousement dans leur indépendance. Malheureusement, un nationalisme fondé sur des concepts raciaux ou religieux réveille, ici et là, d’anciennes rivalités, parfois de vieilles haines qu’on croyait oubliées. Tel est le cas de l’ex-Yougoslavie. Vous pouvez mesurer, grâce aux images qui nous parviennent, le caractère impitoyable de la guerre qui se livre en Bosnie, avec son atroce purification ethnique, ses camps de misère et de mort, le viol et la torture. La question posée aux Nations-Unies dont c’est le rôle est celle-ci: comment y mettre un terme ? Arbitrage, conciliation, dialogue, on a tout essayé. La France est à l’origine de la plupart des propositions en ce sens. Près de 5 000 de nos soldats sont sur place pour s’interposer entre les combattants, aider, sauver des vies. Neuf des nôtres ont péri en accomplissant cette mission. Aucun autre pays n’a fourni un effort semblable. Pouvons-nous faire plus ? Je n’y consentirai que si les Nations-Unies en prennent la responsabilité et si Américains et Européens s’engagent avec nous. Je souhaite que les négociations de Genève qui se déroulent actuellement aboutissent au plus vite. Sinon, j’attends du Conseil de Sécurité qu’il ordonne de dégager l’espace aérien de Bosnie, ainsi que les itinéraires qui permettront d’atteindre les camps de prisonniers et les villes martyres, comme Sarajevo. Quant aux mesures à prendre au Kossovo, au Sandjak et en Macédoine pour empêcher l’extension d’un conflit qui embraserait les Balkans, elles relèvent également du Conseil de Sécurité. Les quelques dizaines d’observateurs déjà présents sur le terrain ne suffiront pas. Ce dispositif doit être renforcé. Aux responsables serbes de comprendre qu’il leur faut savoir s’arrêter. Mes Chers Compatriotes, 1993 sera aussi l’année d’un grand rendez-vous de politique intérieure: les élections législatives de mars. Puisque nous en sommes à la période des voeux, je ferai celui-ci: que les préférences politiques s’affirment sans jamais rompre la solidarité nationale lorsque l’intérêt commun est en jeu. Je veillerai en tout cas, après comme avant les élections, au respect scrupuleux de notre vie démocratique et j’espère que chacun agira de même. De plus, dès que j’aurai reçu les propositions du Comité consultatif pour la révision de la Constitution, je soumettrai au Parlement un projet visant à promouvoir un meilleur équilibre des pouvoirs et à parfaire ce qu’on appelle l’Etat de droit. D’ici là, le gouvernement continuera de travailler d’arrache-pied. Il persévérera dans sa politique d’une monnaie forte, expression d’une économie saine débarrassée de l’inflation. Quand le taux d’intérêt de l’argent se détendra en Allemagne - cela devient possible - et quand la reprise américaine s’affirmera - l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle équipe devrait y contribuer - vous comprendrez mieux pourquoi nous avons maintenu notre ligne économique. Grâce à elle, la France sera prête avant ses concurrents, à en tirer le meilleur profit. Il est normal que le pouvoir en place paie dans l’opinion publique le prix de son courage ! On lui rendra justice plus tard. C’est la règle ! Mais je sais quelles souffrances, chômage, exclusions de toutes sortes, ont été la conséquence du ralentissement économique en Occident. Le Gouvernement a tout fait pour en limiter les dommages. Il compte que l’ Europe de la Communauté, qui a déjà son agriculture à défendre contre les agressions extérieures, saura organiser la croissance de l’industrie, relancer l’investissement et multiplier les travaux d’intérêt général, comme il a été décidé à Edimbourg au début de ce mois. Un dernier mot: j’espère que personne ne songe à s’attaquer à nos acquis sociaux. La solidarité des Français entre eux, entre bien-portants et malades, entre jeunes et vieux, entre actifs et chômeurs, entre riches et pauvres, constitue le ciment de notre société. Mes Chers Compatriotes, je vous adresse mes voeux de bonne et heureuse année. Vous penserez ce soir avec moi à ceux des nôtres, qui, partout dans le monde, en Somalie, au Cambodge, en Bosnie, portent le message de la France, vous penserez à ceux qui souffrent et qui ont besoin d’amitié. Vive la République ! Vive la France ! Mes Chers Compatriotes, 1993 s’en va. Elle aura été l’année noire du chômage, qui ronge nos sociétés occidentales depuis bientôt vingt ans, qui frappe chez nous plus de trois millions de familles, qui interdit à la jeunesse d’espérer, qui pose aux responsables du pays, à tous les niveaux et dans tous les secteurs, la plus grave question de cette fin de siècle. Elle aura été l’année où les inégalités grandissantes ont conduit les peuples de l’Est, qui l’avaient si longtemps attendue, à douter des bienfaits de la liberté et les autres, je veux dire, nous, à l’Ouest, à vivre dans un système dont la logique est de plus en plus implacable pour les plus faibles. Elle aura vu l’ancienne Europe soviétique continuer de se disloquer, tandis que la guerre, la misère, et le désordre qu’elles engendrent, avivent les haines raciales et les passions nationalistes. 1993 nous laissera des images de sang et de mort, avec Sarajevo comme symbole des peuples martyrisés. Et si notre regard va plus loin, au-delà de notre continent, ce sera pour constater que tout autour de la planète les conflits meurtriers se multiplient et s’exaspèrent. Mais 1993, c’est aussi autre chose que ce tableau tragique, c’est la paix revenue au Cambodge, la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, le dialogue ouvert entre Israël et les Palestiniens. Chez nous, c’est la naissance de l’Union européenne qui donne enfin à l’Europe des Douze les structures dont elle a besoin, comme on commence à l’apercevoir dans les grandes négociations internationales. 1993, c’est encore, pour m’en tenir à quelques exemples de ce que peut notre pays, l’admirable découverte par nos savants des secrets du génome humain, le soixante-deuxième tir de la fusée Ariane à la conquête de l’espace, l’ouverture du tunnel sous la Manche, la beauté du Grand Louvre, nos techniques présentes partout, qui font de nous la quatrième puissance économique du monde, la solidité du franc, redevenu monnaie forte et enviée après avoir surmonté les bourrasques de cet été, le courage de nos soldats qui risquent leur vie au service de la paix. Je vous l’ai dit, ce ne sont que quelques exemples. J’aurais pu vous en choisir d’autres. Le T.G.V. qui relie Paris à Lille en moins d’une heure. L’Airbus qui fait le tour de la terre sans escale en battant tous les records. Comme j’aimerais que tant d’efforts soient récompensés en 1994 dans des domaines tels que l’emploi, l’organisation et les conditions du travail, le logement, la protection sociale, causes de l’angoisse et de la souffrance d’un si grand nombre de Français, sans oublier la lutte contre le SIDA. Et ne croyez-vous pas insupportable d’assister à l’enrichissement de puissantes entreprises, ce qui est bon en soi, tandis que les ouvriers et les cadres qui en assurent le succès, peuvent être à tout moment brutalement licenciés ? Il n’y a pas d’économie saine sans cohésion sociale. La reprise économique qu’on nous annonce amorcera-t-elle la décrue du chômage ? Rien ne le garantit. Le temps est donc venu pour les organisations patronales et les syndicats de travailleurs d’établir ensemble et au plus tôt, les bases d’un nouveau contrat social pour l’emploi. L’Etat devra les y aider. Il aura à coeur, je l’espère, que cesse cette lugubre course aux licenciements dont sont victimes les salariés. Mes Chers Compatriotes, au mois de mars dernier, vous avez élu à l’Assemblée Nationale une nouvelle majorité politique. Après Pierre Bérégovoy, dont la mémoire nous est chère, le Premier Ministre que j’ai choisi, Monsieur Edouard Balladur, s’est aussitôt mis à la tâche. Cela a modifié bien des choses. Ma première mission reste, elle, de veiller à la sécurité extérieure du pays et à l’unité de la Nation. Je suis là ce soir pour vous redire que je n’y manquerai pas. La France a derrière elle une longue et noble Histoire. Depuis la Révolution de 89 et la Déclaration des Droits de l’Homme, c’est vers elle que se tourne l’espoir des peuples opprimés. Maintenons cette haute tradition, parlons le langage du progrès et de la liberté. C’est ainsi qu’on nous aime et qu’on reconnaît. Chaque fois que je vois l’injustice et l’intolérance avancer, je pense que c’est la République qui recule. Notre Constitution le proclame dès ses premières lignes: “ La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ”. Respectons ces mots d’ordre qui nous ont fait ce que nous sommes. De tous les côtés les périls nous pressent. L’Algérie déchirée, la Russie incertaine, les Balkans en feu. Et la liste n’est pas close. Faut-il craindre le pire? Non. Nous avons la chance d’être un pays écouté parmi les Nations. Nous avons les moyens de notre sécurité. Et puis, il y a l’Europe des Douze: c’est notre meilleur rempart. Je souhaite que s’élargisse au continent tout entier la zone de paix qui nous protège. Ce voeu que j’exprime, mes chers compatriotes, s’ajoute à ceux que je forme pour vous. J’adresse une pensée particulière à ceux d’entre vous qui subissent les inondations, qui n’ont pas de logis, qui sont seuls ou malades et se sentent exclus, aux Français qui vivent sous la menace en Algérie, à nos soldats loin du pays. Mes Chers Compatriotes, je vous le demande, soyez unis et solidaires. C’est la réponse à tout. Bonne et heureuse année 1994. Vive la République! Vive la France! Mes Chers Compatriotes, Parmi les événements qui marqueront l’année 1994, le sauvetage de L’Airbus Alger-Paris, il y a seulement quelques jours, à l’aéroport de Marseille, résume mieux que tout autre les menaces et les risques qu’un pays comme le nôtre doit savoir affronter, la détermination, l’abnégation et le courage nécessaires pour les surmonter. J’ai déjà remercié en votre nom les acteurs de ce drame. J’ai souligné la cohésion et la fermeté des pouvoirs publics et je dois redire l’admiration que m’inspire l’extraordinaire coup d’éclat du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, le G.I.G.N. Les membres de ce groupe, et l’armée française dans son ensemble, qui a su les former, ont honoré la France. J’ajoute que beaucoup d’autres méritent d’être cités. Je pense, en particulier, à l’équipage d’Air-France dont le sang froid et la résistance à la fatigue physique et morale ont largement contribué au succès commun. En dépit des difficulté actuelles, je trouve dans ces faits un véritable réconfort. Il est bon de pouvoir se dire, en cette nuit du Nouvel An, que les Français, si prompts à se quereller, sont également capables de s’unir et de montrer au monde ce qu’ils valent quand le danger est là. Réservons également une pensée respectueuse et fraternelle aux familles des passagers en deuil et aux soldats blessés au combat, qui souffrent dans leur coeur et dans leur chair. Ainsi se mêlent, dans toute communauté humaine, la joie et la douleur. Ce qui nous rappelle que nul n’est à l’abri du malheur et que le premier devoir de ceux qui ont la chance d’être épargnés, est de se montrer, plus encore, solidaires de ceux que frappe le destin. Cette leçon vaut pour tout. Sur le plan international où de nombreux peuples sont soumis aux horreurs de la guerre civile et de l’oppression étrangère. J’observe, à cet égard, que la France s’est toujours placée au premier rang des forces de paix. Sur le plan national où s’accroît le nombre des Français sans abri, victimes du chômage, de la pauvreté, de l’exclusion. C’est un discours, me direz-vous, que tout le monde tient aujourd’hui. Je constate seulement que les efforts accomplis par les uns et les autres n’ont pas guéri le mal. Le moment est donc venu de s’interroger sur les moyens que nous fournira la reprise économique si souvent annoncée, pour que le retour à l’expansion s’accompagne d’un véritable ajustement des conditions sociales, trop évidemment inégales. Car la croissance n’est pas une fin en soi. Elle doit être l’instrument d’une répartition plus équitable des richesses créées par tous et pour tous. Dès maintenant et dans les années prochaines, les Gouvernements, quelles que soient leurs tendances, auront à répondre d’abord à cette question. La lutte contre les injustices: j’y reviens toujours. Ceux qui portent le poids principal du travail et de la production, ceux qui peinent le plus, mais qui voient leur salaire augmenter faiblement, quand il augmente, les licenciements massifs se multiplier, et tout près d’eux ou dans leurs rangs, s’étendre l’exclusion, ceux-là ont bien le droit d’espérer un plus juste profit dans leur vie quotidienne. Mais on n’y parviendra que si employeurs et salariés parlent entre eux, que s’ils engagent le dialogue, que si le gouvernement les y encourage, qui si tous se décident à négocier ensemble des choses de leur vie. Pourquoi la discussion sur un nouveau contrat social pour l’emploi est-elle ainsi bloquée ? Mes Chers Compatriotes, c’est la dernière fois que je m’adresse à vous pour des voeux de nouvelle année en ma qualité de Président de la République. Aussi je me permettrai deux recommandations: la première: ne dissociez jamais la liberté et l’égalité. Ce sont des idéaux difficiles à atteindre, mais qui sont à la base de toute démocratie. La seconde: ne séparez jamais la grandeur de la France à la construction de l’Europe. C’est notre nouvelle dimension, et notre ambition pour le siècle prochain. Sur l’Europe, deux échéances nous attendent: d’abord la mise en oeuvre du traité de l ’ Union européenne . Ensuite, l’élargissement progressif de l’Union à l’ensemble des démocraties européennes. Que d’énergie et d’enthousiasme seront indispensables si l’on veut qu’aboutisse cette entreprise audacieuse ! Élargir l’Europe, oui, mais sans l’affaiblir. Vous le voyez, nous avons du travail devant nous. Or, dès demain 1er janvier, et pour six mois, c’est la France qui présidera l’Union. Cette situation ne se représentera plus avant longtemps. Le gouvernement a préparé avec moi les grandes lignes de cette présidence. J’ai demandé au Premier ministre d’accorder une importance particulière à la politique sociale trop souvent négligée. A cet effet, nous recevrons bientôt les grandes organisations professionnelles et syndicales qui ont à faire valoir leur point de vue. Je vous le dis avec la même passion que naguère. N’en doutez pas, l’avenir de la France passe par l’Europe. En servant l’une, nous servons l’autre. Mes chers compatriotes, Je n’apprendrai rien à personne en rappelant que dans quatre mois aura lieu l’élection présidentielle. C’est un rendez-vous important que la France se donne à elle-même. Je souhaite vivement que ce soit l’occasion d’un vrai, d’un grand débat et sur tous les sujets, y compris les règles morales de votre vie publique et le rôle et les limites des divers pouvoirs. Les problèmes que nous connaissons ne disparaîtront pas pour autant. Mais la France y trouvera un nouvel élan. L’an prochain, ce sera mon successeur qui vous exprimera ses voeux. Là ou je serai, je l’écouterai le coeur plein de reconnaissance pour le peuple français qui m’aura si longtemps confié son destin, et plein d’espoir en vous. Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas. Je forme ce soir des voeux pour vous tous en m’adressant d’abord à ceux qui souffrent, à ceux qui sont seuls, à ceux qui sont loin de chez eux .Bonne année, mes chers compatriotes. Bonne année et longue vie. Vive la République ! Vive la France !